L'art rupestre du Bohuslän

Site de Torsbo

Ce n'est qu'une fois sur place que j'ai découvert l'existance de ce site (sur une carte d'un panneau d'informations en bord de route). Avec la promesse de plus de 900 figures, je ne voulais pas manquer ce site ! Il ne serait pas de trop en attendant d'arriver à Tanum...

Un incident photographique m'empêche malheureusement de vous montrer de nombreuses photos (je n'ai pu sauver que 2 photos de la pellicule voilée). Mes enfants sont les auteurs des photos ci-dessous.
Les textes en couleur sont la traduction des panneaux présentés sur le site.

Les gravures se répartissent sur de nombreux rochers.



Une des plus grandes concentration de gravures rupestres se trouve dans le Bohuslan ; la majorité est située dans les alentours de Tanum et ici même à Kville. Les gravures rupestres incluent la plus grande représentation suédoise de bateau. Les gravures ont été réalisées il y a 3000 ans , pendant l'âge de Bronze (1800-500 av JC). En ce temps là, le climat du Bohuslan était très plaisant, comparable au climat actuel du sud de la France.
La garde du bétail et la pêche étaient des ressources plus importantes pour la nourriture que la culture des terres.
Les animaux domestiques étaient composés de vaches, moutons, chèvres et chiens. L'alimentation des humains consistait en bouillie d'avoine, pain, bière, pois, haricots, produits laitiers, fruits, baies, viande, poissons et coquillages.
Le bronze était une denrée répandue qui était principalement utilisée pour les armes et les objets décoratifs.
Dès le milieu de l'âge de Bronze, les artisans du bronze dans le sud de la Scandinavie étaient parmi les meilleurs d'Europe, bien que la matière première était importée du continent. Les contacts avec le monde alentour étaient nombreux et il y avait probablement des relations linguistiques plus étroites qu'aujourd'hui avec les autres langages européens.
On ne sait pas comment parlaient les gens de l'âge de Bronze mais certainement qu'un suédois d'aujourd'hui ne comprendrait pas grand chose.

Après 700 m vous allez arriver dans un des plus riche trésor pictural de Kville.

De nombreux rochers sont fortement endommagés à cause de la pollution atmosphérique. Des recherches actuelles essaient de trouver une technique pour protéger de la destruction les gravures rupestres.
Même les visiteurs peuvent contribuer à leur protection en respectant l'interdiction de marcher dessus !


Mais que signifient ces images ? On peut voir des bateaux, des gens, des charrettes et des figures circulaires mais jamais de maison, de scènes de travail, d'enfants ou d'autres choses faisant partie de la vie quotidienne ; et très rarement des femmes ! Il est donc évident que ces images ne représentent pas la réalité, mais plutôt une invocation ou une prière aux dieux.

De nombreuses gravures ici à Torsbo montrent des scènes d'hommes armés souvent avec les armes levées. L'âge du Bronze tardif était une période de tensions dans la société, avec un accroissement de compétitions pour les ressources.
De nombreux changements ont eu lieu, y compris au niveau de la religion.
Mais sont-ils réellement des guerriers ? Ils ont plutôt une apparence pacifique, levant leurs armes en signe de bienvenue ou d'admiration, et ils sont normalement considérés comme des adorateurs.

De nombreuses représentations de figures humaines gravées sur les rochers montrent des mollets prononcés. Cela pourrait-il être l'idée de la beauté à l'âge de Bronze que nous voyons là ? La fréquence de cette représentation a été largement répandue géographiquement. Les mêmes muscles bien développés apparaissent dans de très anciennes peintures pariétales en Espagne et en Afrique, et dans des gravures rupestres grecques et italiennes. Tout cela indique que les contacts culturels et les communications à l'âge de Bronze étaient bien plus développés que ce qu'on imagine.


Le taureau, tout comme le cerf, étaient adorés pour leur force et leur capacité de reproduction. Le culte du taureau Cretan était contemporain de l'âge de Bronze et des peintures de taureaux ont été réalisées dans toute l'Europe.
Le symbole de fertilité est renforcé par une coupe taillée entre les cornes d'un des taureaux. Jusque dans les temps présents, les cornes des bœufs et des taureaux ont été décorées avec des guirlandes de fleurs avant les premières semences pour s'assurer d'une récolte abondante.
Il semble qu'un des taureaux a transpercé un humain par l'une de ses cornes. C'est peut-être un recouvrement, par exemple des gravures faites à différentes périodes ou peut-être les gravures n'ont-elles rien à voir ensemble.

Les gravures de ce rocher montrent une scène inhabituelle de chasse.

Deux hommes lèvent leur arc derrière des animaux qui sont probablement des cerfs.
Le cerf rouge symbolise la mort et la renaissance. Ce n'est probablement pas une véritable chasse pour la nourriture qui se passe ici mais plutôt un sacrifice rituel ou une invocation pour une bonne chasse.
Les arcs décrits dans les pétroglyphes sont en grande partie de type court, utilisés par les cavaliers d'Asie centrale. On a ici quelques curieuses contradictions. Les archers des gravures ne sont pratiquement jamais à dos de cheval, ils se tiennent ferment debout sur le sol, et d'autre part les arcs courts appréciés des cavaliers et gravés dans le rocher n'ont jamais été trouvés dans des fouilles en Scandinavie, alors que les grands arcs qui ont été trouvés ne sont jamais représentés dans les gravures rupestres.

Une figure apparaît comme portant un casque à cornes. C'étaient bien les hommes de l'âge de Bronze qui portaient un tel harnachement. Il n'y a pas une preuve ou une quelconque évidence archéologique pour suggérer que les Vikings le faisaient !


Le corps arrondi de l'homme peut être interprété comme un bouclier. Grâce à la merveilleuse trouvaille de 13 boucliers de bronze à Fröslunda sur Kallandsö dans le lac Värern, on a une bonne idée de l'apparence de ces boucliers. Ils ont 70 cm de diamètre mais ne pouvaient pas offrir grande protection à leur porteur : ils sont d'à peine 1 mm d'épaisseur. Ils étaient probablement uniquement utilisés pour des cérémonies et peut-être pour relever le prestige d'un groupe particulier de la communauté. Cette conclusion et renforcée par les boucliers appelés Frölunda qui étaient probablement offerts comme sacrifice. Seulement le meilleur était assez bon pour les dieux.
Les figures arrondies sur les dessins peuvent aussi indiquer des roues à rayons. On sait que les chars et les charrettes étaient utilisées pour les cérémonies funéraires dans de nombreuses parties d'Europe pendant l'âge de Bronze. Peut-être que les figures sont non pas des boucliers mais des roues de char qui symbolisent la mort.
La troisième interprétation est que c'est peut-être le soleil qui est représenté. Cela indique une interconnexion compliquée entre les différentes figures symboliques comme les boucliers, les roues et le soleil.

Une multitude d'images peuvent être vues sur ce rocher. Il y a à peu près 100 bateaux décrits ici, le plus grand ayant 4,5 mètres de long, et est par conséquent le plus long de Suède. Les bateaux étaient probablement associés au voyage au royaume des morts.

   
Quelques bateaux montrent des détails de construction intéressants. Certains d'entre eux ont une quille allongée, construite pour assurer une stabilité sur la mer. L'un des bateaux a un support attaché entre la balustrade et la quille.

Juste en dessous du grand bateau, il y en a un plus petit avec deux personnes à bord. L'un d'eux tient quelque chose dans sa main qui pourrait être un boomerang. C'était une arme ordinaire pour chasser les oiseaux, utilisée en Europe à la fin du Moyen Age.

Les oiseaux avaient une grande importance dans la plupart des religions préhistoriques. Des dieux se transformaient en oiseaux, ou les utilisaient pour transporter les messages.

L'image la plus intéressante de ce rocher est peut-être l'arbre. Des arbres et des bosquets sacrés existaient dans pratiquement toutes les religions préhistoriques. L'arbre représentait un lien entre le monde terrestre (les racines) et le paradis (les branches). Il a aussi symbolisé la mort et la renaissance, l'éternel cycle de vie : les feuilles qui bourgeonnent et poussent, se fanent et tombent ; les graines qui se dispersent, germent et poussent pour devenir de nouveaux arbres. Les sacrifices aux dieux se tenaient dans les bosquets sacrés, parfois en suspendant des animaux vivant ou des gens dans les branches. La mythologie As contient l'arbre universel, Yggdrasil, qui était réputé pour sa verdure permanente, ce qui suggère que ce pouvait être un conifère. L'arbre gravé sur le rocher est sans aucun doute un sapin. Cette espèce s'est répendue dans la région du Bohuslan les dernières années av JC mais était une espèce étrange à l'âge de Bronze. C'est peut-être parce que c'était inhabituel qu'il a été considéré comme sacré et représenté ici.
Le concept d'arbres sacrés a été très répandu géographiquement depuis l'Asie centrale jusqu'aux îles britanniques. Les représentations d'arbres dans l'art rupestre du Bohuslan montrent que pendant l'âge de Bronze, ce coin du monde s'inscrivait dans un contexte religieux et culturel qui couvrait toute l'Europe et de grandes parties d'Asie.

Parmi tous les bateaux, personnages, marques de coupe gravés sur ce rocher il y a deux empreintes de pieds dissemblables. Il y a en tout 600 représentations d'empreintes de pieds dans le Bohuslän, la plupart ont la taille d'une chaussure 37-41, et varient en apparence. Il y a des représentations avec des orteils discernables, et d'autres avec des chaussures ou des scandales. Quelquefois une lanière est également représentée pour maintenir la scandale en place sous la plante du pied.
Les traces de pieds sont probablement l'une des gravures rupestres les plus anciennes. On pense que les premières ont été gravées à la fin de l'âge de Pierre; la tradition se perpétuant jusqu'à la fin de l'âge de Bronze.
L'interprétation habituelle est que ces traces représentent la présence d'un dieu ou d'une déesse qui est trop sacré pour être représenté. Des empreintes ont également été gravées sur des pierres qui ont été incluses dans des tombes, on peut donc aussi dire que ces empreintes de pieds ont été adoptées comme représentation de la mort ou de la continuation de la vie de l'autre côté.
En Inde où on a aussi retrouvé des empreintes de pieds gravées, on pensait initialement qu'elles représentaient les traces de Bouddha, cependant des recherches ont montré qu'elles étaient bien antérieures au temps de Bouddha. Elles sont davantage des indications que la religion de l'âge de Bronze et son langage avait des origines Indo-Européenne.

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& AUTEURS : Chantal Date de mise à jour : 3 septembre 2003 RETOUR ACCUEIL Page précédente  Retour sommaire  Page suivante