La vie illustrée

Extraits du numéro 590 (samedi 5 février 1910)




PARIS INONDE - La navigation boulevard Haussmann


M. Lépine, préfet de police, suivant les opérations de sauvetage.

Femmes et enfants victimes du sinistre, hospitalisés au séminaire de la place Saint-Sulpice.

LES SEPT JOURS DE LA SEMAINE

Mercredi 26 janvier

II n'y a pas d'autre occupation, à Paris et dans ses environs, que de surveiller la crue inexorable de la Seine. Il neige, et sous le jour livide strié de flocons blancs, toute la banlieue envahie à perte de vue d'une eau sale d'où émerge les misérables toits des maisons inondées, revêt l'étrange aspect d'un océan désolé qui porterait les stigmates de trop nombreux désastres. Et l'eau monte toujours : 8 mètres 30 au pont Royal.

Jeudi 27 janvier

L'eau monte : 9 m. 10 au pont Royal ! De la place de Rome, par les souterrains du métro, a jailli une nappe d'eau qui inonde toutes les rues jusques et y compris le boulevard Haussmann. La place du Havre, la place de la Concorde menacent de s'effondrer. Par des efforts surhumains, ouvriers et soldats exhaussent les parapets des quais, face au Louvre et aux Champs-Elysées, que le niveau du fleuve dépasse. A l'est de Paris, l'exode des malheureux habitants d'Ivry, Joinville, Alfortville, chassés de leurs demeures, continue interminablement.

Vendredi 28 janvier

L'eau monte encore,9m.35 au pont Royal. La zone des quartiers inondés s'étend comme une tache d'huile des deux côtés des quais. Sur la plus grande partie de la rive gauche avoisinant la Seine, on ne circule plus qu'en barque. Et la pluie tombe, et son ruissellement semble encore aiguillonner le fleuve à monter plus haut, toujours plus haut. Six ponts seulement sont encore disponibles pour passer d'une rive à l'autre, encombrés d'une foule incroyable de véhicules et de piétons.

Samedi 29 janvier

L'eau n'a pas monté pendant la nuit. Le soleil brille. L'espoir renaît. La lutte contre l'envahissement de l'eau se fait plus méthodique et plus avantageuse, et la lutte contre toutes ses misères engendrées s'organise aussi active et féconde. A la fin du jour, la baisse des eaux s'affirme.

Dimanche 30 janvier

L'eau baisse, décidément. Des rues, hier canaux, sont asséchées. L'espoir joyeux anime chacun, et naturellement toute la journée l'affluence folle de curieux maintient autour des quais une foule innombrable. Malheureusement, les ravages de la crue s'étendent en aval de Paris, maintenant, notamment à Gennevilliers où la situation est des plus critiques.

Lundi 31 janvier

Parce que deux nouveaux ponts ont été rouverts à la circulation, parce qu'une douzaine de rues inondées sont maintenant vides, l'inondation semble avoir disparu... excepté pour les malheureux que l'eau a chassés de leurs demeures et qui vivent des heures terribles uniquement soutenus par l'intelligente charité des Parisiens et des Parisiennes.

Mardi ler février

On évalue les résultats du sinistre. Il faudra plus de trois mois de travaux pour rendre à Paris tout ce que l'inondation a détruit.


 

Incendie d'une usine de produits chimiques ayant fait explosion au contact de l'eau, à Ivry. Les pompiers sur les lieux du sinistre.

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& AUTEURS : Chantal Date de mise à jour : 9 mai 2003 RETOUR ACCUEIL CRUE 1910    Retour sommaire  Page suivante