Le Petit Journal

Extraits du numéro 1004 (dimanche 13 février 1910)


Illustration de la première page (et explication)
 


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DANS UN ÉLAN GÉNÉREUX, PARIS ET
LA FRANGE ONT SECOURU LES INONDÉS

Cette gravure allégorique exprime à souhait l'élan généreux qui a précipité Paris, la France et même le monde civilisé au secours des victimes de l'inondation. L'artiste a parfaitement rendu, dans la figure jeune et sereine qui symbolise la Ville de Paris, cette vaillance calme, ce stoïcisme souriant avec lesquels la capitale a supporté l'épreuve qui vient de l'atteindre.
A l'appel de Paris, est accourue la foule des sauveteurs et des bienfaiteurs, soldats, matelots, ouvriers ou bourgeois. Chacun a donné de ce qu'il avait : ceux-ci leurs forces, leur courage, leur énergie pour sauver les malheureux ; ceux-là leur argent pour réparer les ruines.
Paris a vraiment offert au monde un admirable spectacle. Sa population toute entière a fait preuve d'autant d'héroïsme que de belle humeur ; elle s'est, par là, montrée doublement française. Et, après l'élan de dévouement, est venu l'élan de charité. Dans la lutte contre le fléau, dans l'irrésistible mouvement de bienfaisance qui s'est créé, pas de discordances ! Tous les partis se sont confondus. Les haines politiques et religieuses elles-mêmes se sont apaisées.
On a vu, aux portes de Paris, de farouches socialistes collaborer avec des prêtres à la même œuvre d'humanité.
Le malheur est un grand pacificateur. Lui seul triomphe des mesquines passions des hommes... Mais pourquoi ses leçons sont-elles si vite oubliées ?...


 

Illustration de la dernière page (et explication)
 


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APRÈS LE DÉSASTRE

En quel état les sinistrés retrouvent leur logis.

Il a fallu beaucoup de courage aux malheureux inondés pour supporter l'es privations, les tristesses dont ils furent victimes pendant que l'eau ravageait leurs maisons qu'ils avaient dû fuir. Mais ne leur en faudra-t-il pas plus encore pour rentrer au logis dévasté par le fléau et réparer les ruines que l'inondation y a accumulées ?
Dans quel état épouvantable la retrouvent-ils, la chère maison !... Les portes brisées, les fenêtres enfoncées, les parquets disloqués, les plafonds fendus. Des murs, l'humidité suintera pendant de longues semaines encore... Et le mobilier?...Quel désastre ! Les meubles, la literie, tout est perdu. C'est un affreux spectacle de ruine et de désolation ; et l'on comprend, en y songeant, que leur premier sentiment devant ce tableau lamentable soit un sentiment d'horreur et de découragement.

 

Extraits de "L'AME DE PARIS" (page 2)
 
Un sentiment que Paris n'aura guère manifesté dans l'occurence, c'est l'a peur. L'eau débondait sur les quais; dans les rues, envahissait les maisons, le sol s'effondrait : le Parisien vaquait à ses affaires comme de coutume et ne s'affolait pas.
Au contraire, il allait au danger. On lui avait dit qu'il y avait péril à s'approcher des parapets ! N'importe ! le Parisien voulait voir. La curiosité est chez lui plus forte que la prudence... Songez donc !... On ne reverrait probablement plus jamais ça. Il y avait plus d'un siècle que pareille inondation n'avait ravagé la capitale. Et l'on eût voulu que le Parisien, si curieux de sa nature, restât chez lui. Allons donc !... Il a couru les quais, la banlieue, il a voulu voir, il a vu. A certains jours, il y eut cinq cent mille personnes qui se pressèrent tout le long de la Seine, s'arrêtant sur les ponts où la circulation était permise, contemplant le fleuve en furie... Tout cela, sans désordre, sans bousculade, sans un cri... Et ce fut un beau spectacle que celui de ce peuple s'imposant ainsi spontanément la discipline qui convenait.
Et puis, le Parisien ne perd jamais le sens pratique. Scarron raconte que lors de l'inondation de 1658,
Dans les maisons, les basses écuries,
Caves, caveaux, bûchers, sommeleries,
Sont devenus réservoirs à poissons...
Et l'on s'y peut servir de l'hameçon.

Eh bien, certains inondés ne manquèrent pas, cette fois, de se livrer à ce sport passionnant. A la gare d'Orsay, on vit les employés réduits à l'inaction par l'invasion de l'eau, prendre à la ligne et aussi au filet, de superbes fritures de gardons et de brèmes.. C'était toujours autant de repris a la Seine.

 

Une des "Gaités de la semaine" (page 3)


- Comment ! le proprio voudrait augmenter mon loyer ?

- Dame, M'sieur, vous êtes sur la butte Montmartre, à l'abri des inondations : ça se paye, ça !


 
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& AUTEURS : Chantal Date de mise à jour : 8 décembre 2002 RETOUR ACCUEIL CRUE 1910  Retour sommaire  Page suivante